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Une des rares villes d’Algérie à n’avoir pas porté de nom colonial, c’est Aïn Bessem. Le chef-lieu de la commune de 50 000 âmes, aux rues larges et propres, droites et ombragées, mais malade de son économie, ne sourit plus. Et pour cause ! Ayant fait de l’agriculture sa vocation première, elle a subi les contrecoups d’une conjoncture nationale défavorable et d’une décennie de sécheresse sévère.
Erigée en commune en 1914, elle regroupe sous sa juridiction 18 fractions sur une étendue de 126 km2. De 10 milliards, le budget consacré à son fonctionnement a été ramené de façon draconnière à 4 milliards, d’où la ruine de ses ressources provenant essentiellement des terres abandonnées par leurs propriétaires et les multiples crises induites par les flux migratoires successifs auxquels la ville fait face depuis plus d’une décennie. Une économie à demi-ruinée. Un des coups les plus sévères portés à l’économie de la commune a été, il y a vingt ans, l’arrachage de la vigne. Celle-ci, selon le président de l’APC, faisait autrefois la fierté et la prospérité de la contrée, appelée les Arribs. Les vignobles, selon lui, couvraient 25 000 ha et produisaient le meilleur cru du pays. Témoignage de l’importance accordée à la viticulture : le pressoir gardé précieusement comme une relique et auquel aboutissait alors la production des vendanges des communes limitrophes. Ce n’est pas sans nostalgie que le responsable de cette commune évoque cette époque pleine de faste : « La viticulture, pour les nombreux soins qu’elle réclame durant toute l’année, créait beaucoup d’emplois et de richesse. » Aujourd’hui, les céréales et la pomme de terre ont remplacé la vigne sans pour autant permettre le décollage économique escompté. Les cultures céréalières sont guettées par la sécheresse et les maladies comme la rouille jaune qui a ravagé plus de 5000 ha de blé tendre pour la seule commune de Aïn Bessem, déplore l’élu local. La production de la pomme de terre, faute d’installations frigorifiques pour sa conservation et sa régulation sur le marché, ne peut être envisagée sur une superficie de plus de 1000 ha. Avant que certaines entreprises communales, comme l’Ecotraba, l’EIT ne fassent faillite, la situation économique était assez bonne, mais depuis, la situation s’est dégradée et des centaines d’ouvriers se sont retrouvés au chômage.
Fief du terrorisme
Qui a oublié ces années sombres entre 1993 et 1995 ? Circulant en plein jour dans les rues de la ville, les groupes terroristes assassinaient en toute impunité des innocents et faisaient régner la terreur imposant leur loi. L’avènement d’un pouvoir théocratique semblait proche, le terrorisme avait institué sa propre police (police islamique) et levé ses propres impôts, interdisant du coup ceux prélevés par l’Etat. S’il ne nous a pas été permis d’avoir une idée sur les dégâts occasionnés par ces hordes aux établissements et édifices publics ; en revanche nous avons pu avoir les chiffres en pertes humaines ! On estime à 71 le nombre de personnes assassinées, celui des enlevées à 12 et celui des blessées à 30. La sécurité ayant été rétablie dans la ville, celle-ci eut à soutenir un exode rural comme elle n’en a jamais connu. Les habitants des 18 fractions menacés dans leurs biens et leur personne ont fui leurs terres en direction du chef-lieu de commune, devenu pour eux un havre de paix.
Stop aux flux migratoires
C’est dans le but d’endiguer le processus migratoire vers la ville et d’encourager le retour des paysans vers leurs terres qu’a été mise sur place la politique de l’habitat rural. Et c’est conformément à l’esprit de cette politique que deux sites ont été retenus, l’un à Sidi Makhlouf pour la construction de 70 logements et l’autre à Cheboulia pour la construction de 50 logements, dans le cadre de l’habitat rural groupé. Cependant, ces opérations restent insignifiantes par rapport aux milliers de personnes ayant fui la campagne devenue incertaine pour eux. Beaucoup, aux dires mêmes du président de l’APC, ne peuvent prétendre à l’éligibilité de telles mesures, car vivant sur des terres indivises, ils ne peuvent, par conséquent, justifier aux yeux de l’administration leur état de propriétaire terrien afin de bénéficier de l’aide à l’habitat rural. En plus ayant été désarmés pour des raisons de sécurité, ils n’ont toujours pas repris leurs armes en dépit de leurs fréquentes revendications. Comment pouvoir retourner sur leurs terres connaissant les risques que leur retour pose ? Au sujet du problème des terres indivisées, le président de l’APC avoue qu’« une grande partie de la commune n’est pas cadastrée ». Même si des opérations de l’habitat rural groupé suscitent quelques engouements, comment séduiraient-elles tout le monde vu les problèmes que rencontrent nombre de fellahs ? Problèmes dont la résolution reste tributaire des lourdeurs administratives et bureaucratiques.
Marasme, marché noir et chômage
Les maigres ressources qui existent proviennent, selon notre interlocuteur, du petit commerce, lui-même fortement concurrencé par le marché noir qui gagne de l’ampleur. Cependant, Aïn Bessem connaît une fois par semaine, grâce au marché hebdomadaire du vendredi, une animation particulière. L’étalage qui s’étend jusqu’aux grandes artères laisse penser que la ville est riche. Mais l’illusion se dissipe vite. Dès la fin de journée, on s’aperçoit alors que l’essentiel vient d’ailleurs et que le marché est alimenté essentiellement par des produits non-imposés. Le fait aussi que le marché se tient vendredi écourte beaucoup sa durée. En effet, bien avant 13 h, il ne reste généralement rien sur la place à cause de la prière. Un vrai casse-tête pour les autorités locales, le chômage fait rage avec l’arrivée incessante de nouveaux jeunes sur le marché du travail frappé lui aussi de marasme par l’absence totale de débouchés. Le nombre de diplômés, universitaires surtout, est estimé par le président de l’APC entre 500 et 600. Le taux de chômage représente 40 % de la population active. Certes, il y a ces dispositifs sociaux mis en place par l’APC : dans le cadre de l’emploi de jeunes, on a créé 45 postes face à 1000 demandes et dans le filet social 130 pour plus de 1000 demandes. Le facteur démographique a fait aussi que certains services publics comme les P et T et la santé soient débordés et n’assure qu’une prestation médiocre. Rendre à la ville sa splendeur, qui fut autrefois prospère et belle avec d’aussi faibles moyens, peut paraître utopique. Cependant, le président de l’APC ne désespère pas d’y arriver. ioEtant convaincu que la richesse de la commune tient pour une large parti à la viticulture et après avoir soudé les agriculteurs sur sa réhabilitation, il lance un appel aux autorités du secteur agricole pour appuyer sa politique agricole pour la commune qu’il pense rendre ainsi à son activité traditionnelle. En attendant, il fait avec les moyens dont il dispose. Et d’abord place à l’aménagement urbain et aux logements sociaux. Ainsi, la cité urbaine dans la ZHUN a bénéficié de plusieurs opérations liées au URD, à l’éclairage public et à la création d’espaces verts et de trois aires de jeux. Le lotissement Salah Arad connaît les mêmes travaux ainsi que la cité Ali Senouci. Redorer le blason de la ville Au plan du logement, les efforts entrepris paraissent dérisoires au regard de l’ampleur de la demande qui est de l’ordre de 4000 logements. Ainsi en 2002, 140 logements sociaux ont été distribués contre 203 logements sociaux en 2004. En attendant l’étude des dossiers, 150 logements sociaux attendent d’être distribués. Concernant les logements promotionnels, 600 unités réceptionnées en 1998 n’ont pu trouver acquéreurs. C’est pourquoi, le P/APC recommande leur reconversion en logements sociaux. Une moitié obéissant à cette politique de prestige, une autre inspirée par la situation créée par le voisinage du barrage d’Ouled Lakhal, lequel sert à l’alimentation en eau potable de la ville en même temps à l’irrigation de la plaine des Aribs et où meurent chaque année deux baigneurs au moins, selon le P/APC, celui-ci veut doter Aïn Bessem d’une piscine communale. Mais ce projet se heurte au problème de financement que la commune ne peut résoudre avec un budget réduit. De même que le peu de moyens dont elle dispose ne lui permet pas de prendre en charge les travaux de réparation, nécessités par l’état lamentable des 25 écoles recensées dans la commune. Enfin, réalisée en 2003, cette stèle au milieu du carré des martyrs, en face du siège de l’APC datant de 1932 et où reposent 630 chouhada dont 200 au moins natifs de la commune. Et puis comment penser à rendre à la ville ses lettres de noblesse sans songer à rendre son équipe de football, El Hamzaoui, qui brillait au zénith de son ciel ? L’APC, malgré ses modestes moyens, s’y emploie ardemment. Car sans elle, comme sans ses 25 000 ha de vigne à reconstituer sans ses 20 entreprises en liquidation, Aïn Bessem ne serait que l’ombre d’elle-même.
El watan > Ali Douidi > 1er août 2004
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